La plus large population mondiale d’éléphants asiatiques se trouve maintenant en Inde et leur habitat premier, les marais et les forêts de basse altitude, a presque totalement disparu.
L’éléphant est un des animaux les plus sacrés de
l’Inde, mais les mesures en vigueur pour sa protection sont aujourd’hui
largement inadaptées. La population sauvage restante est menacée.
On compte aujourd’hui plus d’éléphants domestiqués
que d’éléphants sauvages sur la plupart des territoires
réservés.
Les trois principaux territoires sur le sub-continent indien sont les suivants
: La partie la plus au nord se situe le long des contreforts de la chaîne
himalayenne, couvrant également les bassins du Gange et du Brahmaputra.
La partie la plus occidentale de cette région est appelée le Terai
– ce sont les contreforts marécageux de l’Himalaya, qui s’étendent
de l’Uttaranchal à l’ouest jusqu’à Assam à
l’est, et qui incluent une large bande au Népal du sud et une étendue
plus étroite au Boutan. La population des éléphants dans
cette zone était en relation avec la population des éléphants
de Birmanie ainsi que celle de la région des collines Chittagong au Bengladesh.
Après la partition de l’Inde dans les années 50, 60 et 70,
l’étendue du Terai a été dégagée et
aménagée pour accueillir l’afflux massif des populations
hindoues et sikh qui migrèrent en Inde depuis le Pakistan et le Bengladesh.
A partir des années 70, la population des éléphants de
la zone himalayenne fut presque totalement éradiquée, à
l’exception de quelques petites zones dispersées. La partie la
plus importante de l’habitat du nord est la vallée de l’Assam,
au pied de l’Arunachal Pradesh et des collines qui bordent la Birmanie.
Cette population fut sûrement dans le passé en contact avec les
population des éléphants de Thailande et de Chine du sud. La partie
indienne de cette zone fait l’objet de conflits militaires qui ne permettent
absolument pas la mise en place de mesures de protection adéquates. Bien
qu’il y ait quelques zones protégées dans la partie orientale
de cet habitat, le statut des éléphants est généralement
encore inconnu.
La seconde population d’éléphants en Inde occupe une zone
encore plus étroite et fragmentée, qui commence à la frontière
orientale du Bengale de l’ouest et qui s’étend jusqu’aux
collines de l’Orissa, le sud de Jharkhand ; Chattisgarh, et l’est
de l’Andhra Pradesh. Il s’agit essentiellement des forêts
des Ghâts orientaux où il y a une concentration lourde d’industries
minières, une population tribale importante et de nombreux projets de
développement industriel. La plupart de ces forêts a maintenant
été dégagée et seulement un faible nombre d’éléphants
sauvages vit encore dans cette région. Il n’y a pas de vaste zone
protégée pour répondre aux besoins des éléphants
sauvages dans cette étendue.
La troisième région qui est potentiellement la plus viable pour
les éléphants d’Asie, se situe à la jonction entre
les Ghâts orientaux et occidentaux et elle s’étale plus loin
dans les Ghâts occidentaux. Il s’agit ici d’un habitat large
et varié qui inclut le plateau sec du Deccan, les forêts humides
et xérophytiques des territoires de l’ouest des Ghâts orientaux,
les étendues plus élevées du Cauvery qui s’étendent
beaucoup plus à l’ouest jusqu’aux Nilgiris avec une variété
de forêts incluant les montane sholas sub-tempérées, les
forêts sèches de sandal et les forêts tropicales humides
des versants ouest des Ghâts occidentaux s’étalant jusqu’à
la mer arabique.
L’habitat des éléphants de la vaste péninsule du sud a une configuration complexe avec trois bras. Le bras du sud s’étire du Palakkad Gap au nord jusqu’aux versants des Nilgiris du sud-ouest. Le bras du nord s’étend du nord des Nilgiris jusqu’aux collines Coorg. Le bras de l’est comprend la bordure est des Nilgiris et traverse la rivière Moyar jusqu’à la partie du Biligirirangan des Ghâts orientaux. Ces trois bras se rejoignent dans le Kerala Wayanad. Ces 6000 km² de forêts avec des rangées d’habitats autour des montagnes Nilgiris descendent dans les états de l’Inde du sud : le Karnataka, le Tamil Nadu et le Kerala. La partie occidentale de cette zone est la plus vaste avec des forêts denses et des précipitations plus importantes mais ce n’est pas réellement l’habitat premier des éléphants, tandis que la partie orientale est plus sèche et leur convient davantage. De ce fait, il y a un mouvement constant des éléphants entre ces deux zones qui traversent plusieurs états. Mais il n’y a pas d’efforts suffisants de coordination entre états pour assurer la protection des éléphants et de leur habitat.
Les éléphants ont besoin de beaucoup d’eau et de fourrages en été. Ils migrent de ce fait de l’est à l’ouest de cette région en fonction du climat. Les vallées inhabitées de basse montagne étaient dans le passé leur refuge traditionnel en plein été. Mais un grand nombre de barrages ont été construits le long de ces vallées. L’eau des rivières a alors quasiment disparu et sert désormais à alimenter les canaux d’irrigation en été. L’eau est de ce fait limitée dans l’ensemble de l’habitat des éléphants. Les projets de développement des vallées avec la construction de routes, d’établissements humains et autres constructions ont sévèrement fragmenté leur habitat et restreint leur mouvement.
Cette zone contenait les plus belles forêts de teck de l’Inde. Le teck était apprécié par les anglais pour la construction des chemins de fer et était de ce fait sur-exploité. Les forêts humides et naturelles mixtes furent dégagées et remplacées par de vastes plantations de teck en monoculture. Ces plantations à feuilles caduques asséchèrent le paysage de sorte que même les bas fourrages qui étaient encore disponibles pour les éléphants, disparurent.
Le bambou est la nourriture idéale des éléphants et il y a de nombreuses parcelles de forêts composées essentiellement de bambous dans cette région. Mais le bambou est également une matière première industrielle pour la pâte à papier et la rayonne et trois gigantesques usines ont été construites pour extraire sa pulpe et exploiter cette ressource forestière « bon marché ». Cela a radicalement réduit leur disponibilité pour les éléphants. Les opérations d’extraction manuelle du bambou nécessitant une forte main d’œuvre créent des perturbations importantes pour les éléphants et les empêchent d’évoluer dans cette zone. Le bambou enrichi les sols et crée un micro-climat idéal pour la régénération de la forêt. Mais une extraction excessive a stoppé cette régénération et des feux intenses de forêts ont détruit les fourrages et de larges zones sont redevenus des espaces extrêmement secs et de mauvaises herbes.
En plus des projets dans les vallées, les populations grandissantes dans les plaines et le développement urbain commençant à s’implanter dans les collines, l’usage de routes, de voies ferrées, de lignes électriques, ont résulté à la fragmentation des forêts auparavant largement dominantes. Aujourd’hui seulement 4500 km² d’habitats restent accessibles pour les éléphants. Cela s’étend jusqu’à la jonction entre les trois états. Cette zone comporte aujourd’hui le plus grand nombre de régions protégées en faveur des éléphants sauvages. Dans cette zone une étroite bande de forêts reliant les Ghâts orientaux et occidentaux est sur le point d’être endommagée par une ligne de chemin de fer reliant le Karnataka au Tamil Nadu en passant par les versants du Sathyamangalam.
Le coeur de ces 4500 km² comprend la réserve, la biosphère des Nilgiris. Il s’agit de cinq zones protégées : la réserve du tigre Bandipur dans le Karnataka, la réserve du tigre Mudumalai dans le Tamil Nadu, le parc national Nagarhole dans le Karnataka, le sanctuaire sauvage des collines B.R. dans le Karnataka (540 km²) qui fait partie des Ghâts orientaux, et le sanctuaire sauvage de Wayanad (344 km²) dans le Kerala. Mais même à l’intérieur de ces zones, la protection des éléphants est inadéquate. L’érosion graduelle de la qualité de l’habitat continue. La zone est également habitée par de larges populations tribales. Le conflit homme-éléphant est constamment croissant. Il y a également un tourisme incontrôlé qui excède largement la capacité d’absorption de l’habitat. Le potentiel de l’habitat dans cette région est de 6000 km² mais plus de 1500 km² ont déjà été dégagés de la présence d’éléphants. Peut être qu’avec une protection beaucoup plus rigoureuse et une amélioration de l’habitat, les éléphants pourraient avoir l’envie de ré-occuper cette région. S’ajoutant à ces différentes pressions, il faut également signaler le réchauffement de la planète qui menace la survie sur le long terme de la plus grande concentration d’éléphants d’asie.
Sur une population totale d’environ 2000 éléphants dispersée sur la péninsule indienne, la plus importante (plus de 1000 éléphants) se trouve dans cette zone qui s’étale sur plus de 4500 km².
Historiquement, la zone la plus renommée pour l’habitat des éléphants s’étendait de la réserve actuelle du Tigre Mudumalai le long des contrebas nord-ouest des montagnes Nilgiri. Elle remontait vers le nord et l’ouest, le long des vallées de la rivière Kabini et s’étendait jusqu’à la célèbre région de Khedda aux environs de Karapur dans le Karnataka. L’extrémité occidentale de cette étendue a été en partie submergée par un réservoir d’irrigation. Autour de ce réservoir, de larges zones ont été dégagées pour réhabiliter les populations de fermiers, déplacées suite à la construction du barrage. L’extrémité orientale de cette étendue dans le Tamil Nadu est devenue de plus en plus sèche au fil des ans et la population des éléphants a dû migrer à l’ouest pendant l’été. Cette migration s’effectuait auparavant par les forêts de la réserve “Bandipur Tiger Reserve » et du parc : « Nagarhole National Park » dans le Karnataka. Mais une migration directe provenant du Tamil Nadu n’est plus possible le long de l’ensemble de cette zone en raison de la discontinuité de l’habitat.
Une large partie de Mudumalai est limitrophe du sanctuaire sauvage Wayanad dans le Kerala. C’est une zone protégée de 344 km² avec des cours d’eau permanents, et, en dépit des destructions passées, on trouve une belle étendue nourricière grâce à des pluies plus importantes. C’est aujourd’hui la seule voie pour les éléphants pour migrer de l’est à l’ouest en période sèche et retourner pendant la saison des pluies.
Toutefois, en raison de la fragmentation de l’habitat, les éléphants migrant de Mudumalai à Wayanad doivent passer par un couloir de 2.5 km de large seulement qui s’étend de Mulehole au Karnataka jusqu’à Muthanga dans le Kerala. A l’intérieur de ce couloir, il y a une enceinte autour de Ponkuli qui se développe rapidement en lieu de pèlerinage. C’est aussi une aire de repos sur l’autoroute (NH 213) passant au travers des forêts. La rivière Nulpuzha traverse également ce couloir. Pendant trois ou quatre mois de l’année elle est la seule source d’eau pour la population des éléphants se déplaçant. La principale autoroute reliant les états et notamment Bangalore à Calicut passe également dans ce couloir. Elle est utilisée par des centaines de véhicules 24h/24h. Les camions préfèrent généralement rouler la nuit pour éviter les embouteillages. Ce réseau auto-routier entre états comprend également quatre postes de contrôle départementaux. Ceux-ci sont localisés aux environs de Muthanga sur la partie avoisinant le Kerala. Il y a également des postes de contrôle similaires sur la partie voisine du Karnataka. Les postes de contrôle du Kerala sont actuellement localisés sur l’extrémité occidentale de cet étroit couloir. Récemment, une décision a été prise pour transférer ces postes sur un campus au centre du couloir. Ce développement impliquerait toutes sortes d’infrastructures : la construction de complexes, d’habitations, de bureaux, de toilettes, de dortoirs pour les chauffeurs, une station-essence, etc. Les opérations de contrôle prennent des heures. Il y aurait de ce fait des centaines de camions garés sur cette route, empêchant les éléphants d’utiliser ce couloir. Des tranchées ont déjà été creusées pour empêcher les éléphants de traverser la route. Cela les coupe également de l’accès à la rivière et du peu de fourrage disponible sur ses bords.
Il est possible de trouver de meilleures localisations pour ces postes de contrôle, afin qu’ils n’aient pas un impact négatif sur l’habitat des éléphants. La meilleure solution serait de les implanter en dehors des forêts, sur le côté Kerala du couloir. Des terres tout à fait appropriées sont disponibles à cet endroit. Il faudrait également empêcher la circulation routière nocturne entre certaines heures, par exemple, entre 11 p.m. et 4 a.m.
Le Groupe de Protection pour la Nature Wayanad (Wayanad Prakruthi Samrakshana
Samati) a fait appel à la communauté internationale pour empêcher
l’altération de ce couloir, vital pour la survie des éléphants.
Ils demandent à toutes les personnes concernées par la survie
des éléphants sauvages d’Asie d’envoyer des lettres
au gouvernement du Kerala et de l’Inde, demandant que les postes de contrôle
soient localisés en dehors des forêts du couloir et que des mesures
soient également prises pour assurer la pérennité de ces
magnifiques animaux.